Le conseil d'administration et l'analogie du pendule
Depuis un certain temps, je suis profondément intrigué par les rôles et rouages des conseils d’administration (CA). Je comprends les fondements théoriques : un groupe composé de gens de grande expérience en gestion exerçant un pouvoir de gouvernance pour défendre les intérêts de tous ceux et celles qui ont une implication financière dans l’organisation. Cependant, je comprends moins bien comment ces gens peuvent absorber autant d’informations en quatre à huit rencontres par année et réellement contribuer à une prise de décision saine et pragmatique, qui va au-delà de l’anecdote de leurs expériences antérieures.
Dans les dernières années, les CA de PME et de grandes organisations ont été sous les feux de la rampe : « hall of fame », « trophée de chasse » ou encore « boys club » qui se rencontrent sporadiquement pour « rubberstamper » les décisions de l’équipe exécutive sans trop poser de questions.
Je ne partage pas tout à fait cet avis, mais il faut tout de même reconnaître que depuis le tournant des années 2000, de nombreuses bévues majeures (Enron, WorldCom, Tyco International, Adelphia, Fannie Mae, HealthSouth, la NYSE…) soulèvent des questions tout à fait légitimes sur la pertinence, le rôle, la composition et le cadre éthique des CA.
Bref, il était important pour moi de fournir un modèle qui devait aider à mieux comprendre le rôle du CA pour que ce dernier s’arrime avec ce qui se passe réellement dans une organisation en 2022 et reste réaliste par rapport au temps que les membres ont à investir.
Exploration et exploitation
Avant toute chose, il est important de revenir sur un concept clé en gestion.
Une organisation privée a deux rôles fondamentaux : explorer de nouvelles opportunités ou exploiter les opportunités existantes.
L’exploration est l’ensemble des actions qui poussent une organisation à se réinventer et à innover. Par définition, l’exploration représente une dépense et un risque. On parle ici d’acquisition (M&A), de pénétration de marché, de recherche et développement, d’intégration de nouveaux modèles d’affaires et d’innovation technologique.
En contrepartie, l’exploitation constitue l’ensemble des actions qui mènent une organisation vers l’optimisation de ses processus et modèles d’affaires déjà en place. Par définition, l’exploitation est assez prévisible, stable et limite le risque.
Pour traduire cette notion en termes comptables, des gestionnaires qui ont des compétences en exploration sont davantage portés à faire grossir le «top line», les revenus, alors que leurs homologues qui excellent en exploitation se concentrent davantage sur le «bottom line», c’est-à-dire les profits, le BAIA.
Si l’on pousse à l’extrême, une organisation qui ne fait qu’explorer ne sera jamais en mesure de générer des profits avec ses activités, car elle ne se penchera jamais sur la façon de roder ses processus pour les rentabiliser. Une organisation qui ne fait qu’exploiter verra son modèle d’affaires s’essouffler, alors que ses compétiteurs explorent et que le marché évolue autour d’elle.
L’analogie du pendule
Ainsi, en théorie,
une organisation doit trouver son équilibre entre l’exploration et l’exploitation pour être à la fois rentable et pérenne.
En pratique, l’équilibre parfait n’existe pas. Ce sera un mouvement constant entre les deux.
Le rôle fondamental du CA est de veiller à ce que ce mouvement soit fluide, bien balancé et, surtout, qu’il ait lieu en temps opportun.
L’idée m’est venue en regardant une pyramide hiérarchique classique.
Pour illustrer ce concept, je l’ai transformé en pendule.
Dans ce modèle, le point de pivot est le ou la PDG, la masse critique est l’organisation, mais une masse dans la partie supérieure permet de créer un contrepoids.
Vous l’aurez deviné, le CA devrait toujours jouer ce rôle de contrepoids. Lorsque le ou la PDG et l’organisation sont en mode exploitation et n’investissent peu ou pas en exploration, le CA doit l’inciter à se tourner vers l’exploration. Lorsque la direction se perd dans l’exploration et a de la difficulté à stabiliser son rendement financier, le CA doit la ramener dans l’exploitation et l’optimisation des processus en place.
Et, malheureusement, dans la vie d’une organisation, il relève parfois du CA de changer son point de pivot, le ou la PDG, pour pousser le pendule dans l’autre sens!
Je trouve que cette analogie démontre davantage la réalité : il y aura toujours un mouvement et c’est au CA de veiller à la fluidité de ce dernier. Une organisation dont le pendule est à l’arrêt trop longtemps, peu importe de quel côté, finira par perdre sa rentabilité ou sa pérennité.
Un cas concret
Pour illustrer le phénomène d’un pendule à l’arrêt, prenez le cas de cette entreprise québécoise qui a déclaré faillite dernièrement. De l’extérieur, c’est une belle entreprise pouvant compter sur plusieurs décennies d’existence, des revenus annuels dans les neuf chiffres, un vaste réseau pancanadien, l’appui de grands fonds québécois, une nouvelle équipe de direction compétente et qui a eu son lot d’administratrices et administrateurs réputés au cours des vingt dernières années.
Dans un désir de croissance et de consolidation du marché, le CA a approuvé systématiquement plus d’une transaction majeure par année pendant près de dix ans. Ainsi, les acquisitions (exploration) se succédaient, la dette grandissait et peu d’attention était focalisée sur l’intégration réelle de ces acquisitions (exploitation). À un tel point que ces nouvelles divisions ont dû être fermées ou vendues quelques années plus tard pour des poussières. L’entreprise a fait faillite, laissant de nombreux clients et fournisseurs en plan.
Dans ce contexte, le pendule est resté pris du côté de l’exploration et le CA a manqué à son devoir de pousser l’entreprise à mieux exploiter.
Avant toute chose, il est important de revenir sur un concept clé en gestion. Une organisation privée a deux rôles fondamentaux : explorer de nouvelles opportunités ou exploiter les opportunités existantes.
L’exploration est l’ensemble des actions qui poussent une organisation à se réinventer et à innover. Par définition, l’exploration représente une dépense et un risque. On parle ici d’acquisition (M&A), de pénétration de marché, de recherche et développement, d’intégration de nouveaux modèles d’affaires et d’innovation technologique.
En contrepartie, l’exploitation constitue l’ensemble des actions qui mènent une organisation vers l’optimisation de ses processus et modèles d’affaires déjà en place. Par définition, l’exploitation est assez prévisible, stable et limite le risque.
Pour traduire cette notion en termes comptables, des gestionnaires qui ont des compétences en exploration sont davantage portés à faire grossir le «top line», les revenus, alors que leurs homologues qui excellent en exploitation se concentrent davantage sur le «bottom line», c’est-à-dire les profits, le BAIA.
Si l’on pousse à l’extrême, une organisation qui ne fait qu’explorer ne sera jamais en mesure de générer des profits avec ses activités, car elle ne se penchera jamais sur la façon de roder ses processus pour les rentabiliser. Une organisation qui ne fait qu’exploiter verra son modèle d’affaires s’essouffler, alors que ses compétiteurs explorent et que le marché évolue autour d’elle.