L’essence du Design Thinking

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Cela dit, comme tout concept relativement jeune, sa définition varie d’un milieu à l’autre. Dans l’écosystème créatif montréalais, si on se fie aux formations offertes sur le sujet par Infopresse, Les Affaires et La Fctry, entres autres, nous avons adopté la philosophie d’IBM : le DT est devenu avant tout une méthodologie de marketing, de parcours client (CX) et d’expérience utilisateur (UX). 

Aux regards de ces experts et formateurs, le DT est avant tout une approche mettant l’humain « au coeur du processus de réflexion ». Pour vous initier à la méthodologie, c’est un excellent point de départ. Par contre, cette définition dresse un portrait très limitatif de la méthodologie et positionne le DT comme un outil d’idéation pour améliorer un produit ou un service, ou au mieux, un processus marketing

The Design Of Business

La réalité est que le DT peut être utilisé comme méthodologie pour résoudre des enjeux beaucoup plus complexes à tous les niveaux de l’organisation. Parfois, l’enjeu complexe ne nécessite pas de placer l’humain au coeur du processus de réflexion. Parfois, l’enjeu nécessite de placer une machine, un bâtiment, un algorithme ou un procédé au centre du processus de réflexion. 

Dans son livre référence sur le sujet, « The Design Of Business », Roger Martin, le père du DT moderne, réitère l’essence du concept : « Le Design Thinking est la capacité de penser comme un designer.» [traduction libre].  

… Arnaud, tu m’as amené jusqu’ici pour me dire que DT est la capacité à penser comme un designer? 

  • C’est effectivement le nom que ça porte!

Arrêtez-vous à cela quelques instants : comment un designer, un artiste, un peintre ou un musicien pense-t-il? Et, comment pouvez-vous introduire cette pensée en gestion? Questions simples, réponses plus difficiles à cerner.

Je vous résume la pensée de Martin en quelques lignes : le gestionnaire moderne, vous et moi, est trop pragmatique, analytique et mathématique. Il s’est passionné pour les données dans les années 80 et la lune de miel n’a jamais fini. 

Lorsqu’il s’attaque à un enjeu, il s’attend à cadrer rapidement le problème, tel un scientifique, et il cherche des données fiables et mesurables pour résoudre l’enjeu de la façon la plus linéaire et la moins risquée possible. Plus la solution est binaire (des 0 et des 1), plus le gestionnaire est content. Plus l’enjeu est difficile à cadrer, ou encore, plus la solution est complexe, plus il a le vertige. 

La réalité d’un artiste est tout autre : 

  1. Bien qu’il ait accès à certaines données qui peuvent influencer son processus de création, celles-ci sont rarement répertoriées et analysées, il doit donc se fier en grande partie à son intuition (qui est à la base même de la créativité;
  2. L’enjeu qu’il souhaite résoudre n’est pas clairement défini et n’est surtout pas linéaire lorsque ce dernier se trouve devant une page blanche; 
  3. L’enjeu en question va évoluer au fur et à mesure qu’il trouve des solutions pour le résoudre;
  4. Il doit adopter une technique d’essai-erreur, ou de test et validation, sinon il restera face à la page blanche indéfiniment; 
  5. Il est à l’aise avec la prise de risque et comprend la taille de la récompense. 

 

En bref, l’essence du DT, n’est pas de mettre l’humain au coeur d’un processus de réflexion. 

C’est avant tout de permettre à un gestionnaire de laisser plus de place à son intuition et à celle de ses collègues. Il doit voir son organisation comme un tableau jamais achevé, mais toujours plus proche de la perfection. Il doit miser sur une culture d’essai-erreur et encourager les changements incrémentaux constants au sein de l’entreprise. Surtout, il doit accepter qu’il ne va jamais résoudre un enjeu complexe, car ce dernier va toujours évoluer au fur et à mesure qu’il se règle.  Ensuite, que vous soyez un comptable, un financier, un responsable des ressources humaines ou un ingénieur n’a pas d’importance.

Sur une note plus personnelle, le DT me procure un de mes moments préférés lorsque je fais un exercice stratégique avec un client : les regards confus des gestionnaires à qui je dis « rangez vos ordinateurs, vous n’aurez pas besoin de vos fichiers Excel pour les quatre prochaines heures d’atelier ». C’est là que l’artiste entre en jeu. 

 

Et vous, êtes-vous ce gestionnaire qui réussit à penser comme un artiste? 

 


Crédit photo : Robert Keane / Unsplash

Arnaud Montpetit
Vice-Président, Stratégie