À la fin, on s’en fout!

Culture d'entreprise

Le journal de Julie, conseillère sénior en RH

Mars 2021 – Ça y est, c’est bon, j’abandonne! Après une année entière à m’accrocher à l’ambition d’être la conseillère en ressources humaines hors pair en pandémie, à tenter de m’accrocher à mes outils et processus RH, je baisse les bras. Ce fut une année parsemée de chamboulements sans précédent pendant laquelle mon rôle s’est littéralement métamorphosé. Pour être honnête, je ne sais plus trop si je dois encore m’appeler Julie Teboul – Conseillère en ressources humaines, ou bien, Julie Teboul – Infirmière-psychologue-psychothérapeute-coach et médiatrice.

 

Faire face à la pandémie comme une guerrière

En mars 2020, j’ai attaqué la pandémie comme une guerrière avec l’ambition que mon bouclier de bonnes pratiques RH allait protéger notre château fort, préserver la fondation organisationnelle, notre culture d’entreprise, l’engagement des employés et le moral des troupes.

Fraîchement atterrie dans le merveilleux monde des TI chez Logient, dans une PME de surcroît, je m’étais alors dit: «ça y est, ma Julie, tu vas leur montrer à quel point les bonnes pratiques RH peuvent aider les employés et créer de la valeur ajoutée pour l’entreprise. Oui, oui, elles entraînent une rigueur, une structure, pour bâtir l’expérience employés, et on ne peut surtout pas passer à côté!».

Alors je suis partie en cavale et j’ai prêché pendant une centaine de jours les bienfaits de l’élaboration de plans de carrière, de l’accompagnement en développement des compétences, de l’évaluation de la performance, et tout le tralala. Après tout, ce n’est pas une pandémie mondiale qui va nous distraire de nos objectifs! Si on les a inscrits dans la planification stratégique, c’est bien qu’ils sont importants.

Eh bien, vous savez quoi? Je me suis senti comme une touriste qui expérimente le camping pour la 1re fois: enthousiaste, mais mal préparée, équipée d’un téléphone intelligent en pleine forêt, sans aucun réseau. Quelques fonctions bien pratiques, mais clairement limitées pour me sortir du bois!

 

Pas seulement s’adapter, mais se réinventer

Tout ça pour dire que oui, j’ai buché et je me suis surtout raisonnée à ne pas investir autant d’efforts pour tenter de conserver mes bonnes pratiques RH dans un contexte si différent. Parce qu’en réalité, ce qu’il fallait maintenir en place, et sur ses deux pieds (ou sa chaise), c’était moins nos processus RH que chacun des individus dans notre groupe. Avant d’en arriver là, j’ai hésité. J’ai douté. Travailler en ressources humaines, sans accès direct à ses collègues, ce n’est pas seulement une adaptation, c’est une réinvention.

Est-ce que je fais la bonne chose? Est-ce que j’exerce réellement mon rôle de conseillère en ressources humaines dans un contexte où les besoins ont tellement changé? Je me suis posé ces questions tous les jours. Et je dois l’avouer, encore aujourd’hui. Je n’avais qu’une certitude, celle que mon organisation, elle aussi en période d’adaptation, me donnait le champ complètement libre pour réévaluer, rendre possible cette flexibilité, sortir du cadre et innover.

Les difficultés évoquées lors des rencontres avec l’équipe ne touchent plus uniquement la sphère professionnelle: le télétravail entraîne une dissolution complète de la frontière entre tous les aspects de nos vies. L’anxiété que j’observe chez les employés englobe un gros sac rempli de sujets qui s’entremêlent: difficultés chez leurs enfants, difficultés relationnelles, solitude, peur de la maladie, manque de sommeil, épuisement. Même si ces thématiques ne sont pas directement liées au travail, il faut bien admettre qu’en prenant de l’ampleur, elles finissent nécessairement par empiéter sur leur engagement et la motivation au travail. Alors où dois-je tracer la ligne dans mon accompagnement et mon support à leur bien-être?

 

RH et responsabilités déontologiques

L’autre question qui a nécessairement découlé des précédentes est de se demander jusqu’où allait ma responsabilité? Est-ce que j’enfreins une règle déontologique en les accompagnant dans des problématiques aussi variées, mais surtout, aussi personnelles? Au-delà de mon rôle, est-ce qu’en tant qu’employeur, en tant qu’organisation, je dois porter la responsabilité de sauver mes collègues? Cette pensée ne m’a pas quittée.

C’est alors qu’au milieu de mes mille réflexions, j’ai pris conscience de l’existence d’un nouveau coffre à outils, rempli de mes expériences de vie: mes différences culturelles d’immigrante, mon rôle de mère de famille, les liens forts que j’ai tissés avec les personnes incroyables qui enrichissent ma vie… mais surtout l’empathie et beaucoup d’écoute. Toutes les ressources deviennent pertinentes pour réagir rapidement et adéquatement à ces nouveaux besoins qui émergent dans nos milieux de travail.

 

D’abandon à acceptation

J’abandonne. Ou plutôt, j’accepte! J’accepte les limites de ce qu’on nous enseigne à l’université et qui ne nous outille pas complètement pour faire face aux enjeux actuels. J’accepte de ne pas toujours avoir la solution et j’accepte de passer quelques nuits blanches à me demander si je m’y suis prise de la bonne façon.

J’accepte d’être celle qui outille les gens, qui leur remet les clés de leur responsabilité pour les aider à reprendre le contrôle quand ils se sentent dépassés. J’accepte de ne plus être Julie, conseillère en ressources humaines. Pour tout avouer, je ne sais plus vraiment plus comment m’appeler. Mais, finalement, on s’en fout!

 

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Julie Teboul, Conseillère sénior, Expérience Employés

 

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