Le blues post-projet
Les confessions de Carlisle,
Directeur Bureau de projets chez Logient
Je vais vous faire un aveu : il fût un temps où les projets que je gérais prenaient littéralement toute la place dans ma vie.
Mes pensées et très souvent mon sommeil étaient inondés de listes, de points à soulever, d’éléments importants à ne pas oublier ou de solutions pour régler des enjeux. J’avais l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Toute mon énergie et mes efforts étaient canalisés vers un seul objectif : la complétion d’un projet. Rien d’autre n’existait.
Que ce soit la gestion de la formation d’un changement d’ERP pour des milliers d’usagers, le développement d’un outil de gestion des clients pour un détaillant, l’implantation d’un ERP sur plus de trois ans, des rénovations domiciliaires, le processus d’adoption de mes enfants, tous mes projets ont suscité chez moi une impression de vide au moment de leur fin.
Je me donnais corps et âme. L’intensité était si prenante et le stress si envahissant qu’au moment d’arrêter, au lieu de me sentir enfin soulagé de pouvoir finalement récupérer, je me sentais tout simplement déboussolé et en manque d’adrénaline. J’avais les blues, les blues de la fin de projets. Vous vous reconnaissez?
Je ne dis pas qu’aujourd’hui le blues s’est dissipé; Il est encore là. Mais aujourd’hui, j’ai compris que c’était et que c’est encore un phénomène bien répandu, mais pas trop dévoilé, voire tabou.
Le simple fait de parler du blues et de savoir qu’il est « normal » me permet de le dompter et de le laisser passer. J’ai donc eu envie de démystifier ce fameux blues de fin de projet et de partager quelques trucs cumulés au fil des 25 dernières années.
Le blues et la célébration
Quand on parle de fin de projet, on pense que la célébration sera l’activité de clôture officielle pour tous les membres impliqués.
Or, célébrer immédiatement après la fin d’un projet m’a toujours semblé fragile et risqué (don’t jinx it!). Comme si c’était trop tôt. À titre de gestionnaire de projet, j’avais plutôt l’impression que j’allais vite me faire rappeler pour venir en renfort si un truc défaillait. En contrepartie, si tout était sous contrôle, c’était synonyme de mon manque d’utilité. Difficile de célébrer dans cet état d’esprit.
Plus encore, célébrer lorsque l’on est certain que la poussière est vraiment retombée n’a pas le même impact. Car, avouons-le, les autres sont passés à autre chose. Célébrer trop tard n’est donc pas mieux. La célébration se transforme en rencontre post-lancement. Au lieu de souligner les efforts déployés, on discute déjà des éléments à améliorer. À dire vrai, une fois la livraison atteinte, la plupart des autres participants sont revenus à leurs responsabilités d’avant le projet. Et moi, pour qui le projet était sa raison d’être, je me retrouve sans complices.
Est-ce que la célébration ne renforcit pas finalement mon blues post-projet?
Guérir le blues
Je ne vous vendrai malheureusement pas de solution miracle pour guérir le blues post-projet. L’expérience m’a démontré que c’était un passage obligé et qu’il fallait à priori se connaître, s’observer et s’attraper en train de glisser pour y remédier. Mais voici tout de même quelques éléments qui pourraient vous aider.
1- Détecter le blues
Pour régler un problème, il faut d’abord savoir qu’il y a un problème. Une bonne façon de le voir venir est sans doute d’arriver à identifier quelques indices avant-coureurs. En voici quelques-uns souvent redondants :
- Éprouver de la fatigue et un sentiment de vide, de perte de valeur.
- Déprioriser les mêmes éléments qu’on a déjà dépriorisés, et repousser la fin.
- Avoir l’impression d’avoir perdu ses repères et sa capacité à identifier la prochaine priorité.
- Vouloir que le prochain projet ait plus d’ampleur. Est-ce pour retrouver une raison d’être ou l’estime de soi?
- Voir des montagnes alors que ce ne sont que des buttes, et percevoir que tout est un obstacle.
2- Aplanir les montages russes grâce à l’Agilité
Un des éléments au cours de la dernière décennie qui, je l’avoue, a aidé à atténuer ce sentiment de montagne russe, est le mode de livraison itératif, l’Agilité. Contrairement au mode en cascade, la présentation et l’ajustement en continu de la solution finale ont les avantages suivants :
- Atténuer une montée considérable des efforts vers le fin de projet.
- Appréhender en continu le déploiement, la formation, la conversion de données.
- Réduire les risques liés à une mauvaise compréhension des requis.
La montagne russe s’aplanira, mais elle se terminera aussi, peu importe le mode de livraison.
3- D’autres petits trucs
Les quelques petits trucs suivants m’ont aussi aidé à calmer le blues qui m’a si souvent habité :
- Accepter la situation.
- Prendre des vacances et des journées de congé
- Prendre une pause et ne pas avoir peur de le faire : spa, massage et relaxation.
- Faire un petit pas, accomplir une tâche plaisante et doucement se remettre dans l’action.
- Débuter un nouveau projet. ?
Malgré les années d’expérience en gestion de projets, je revis chaque fois ces mêmes sentiments mitigés à l’approche de la fin. J’ai hâte que ça se termine, mais je ne veux pas que ça se termine. C’est probablement la dissonance entre comment je devrais me sentir et comment je me sens réellement qui me déséquilibre. Je devrais être heureux, mais je me sens vide.
Le blues, plus présent qu’on ne le croirait
Le blues post-projet est un sujet encore peu abordé. Il n’y a aucun article à ce sujet dans PMI.Org! Pourtant, bien que cette réflexion soit ici tournée vers les réalisations TI, le blues post-projet s’applique à beaucoup d’autres situations.
La fin des vacances, le retour après un congé de maternité et les dimanches soirs ne sont pas des moments paisibles pour tout le monde. Si c’est votre cas, n’hésitez pas à en discuter avec vos collègues qui vivent peut-être la même chose que vous. Développez vos propres trucs, petits ou grands, qui vous permettront de tranquillement amadouer votre blues lorsque la fin d’un grand moment arrivera, quel qu’il soit.
Ensemble, rappelons-nous avec bonheur nos belles expériences et servons-nous-en pour mieux nous propulser vers l’avant.
Carlisle Tabah, Directeur, Bureau de projets