2024 : Tendances et investissements en technologie au Canada

Maturité numérique

Les grandes firmes de recherche en gestion et technologie, telles que Gartner, Forrester et Statista, ont récemment publié les résultats de leurs analyses et sondages auprès d’équipes exécutives. On y retrouve les objectifs clés en affaires, les priorités d’investissement ainsi que les prédictions sur trois ans des tendances du marché canadien.  

Parfois, les attentes d’une année à l’autre sont relativement similaires et s’inscrivent dans une forme de continuité. Ce n’est pas le cas entre 2023 et 2024, moment où l’on sent une certaine cassure. Le contexte économique et législatif a mené les organisations à accélérer le rythme des investissements en technologie ainsi qu’à revoir leurs priorités.  

Nous vous proposons de regarder de plus près ce que nous réserve l’année 2024. 

Le contexte économique 

Le contexte économique joue toujours un rôle déterminant dans la capacité financière des organisations et leurs décisions en matière d’investissement. À cet effet, l’année 2023 fut tumultueuse : sur un fond d’instabilité géopolitique, nous avons vécu avec une crainte de récession, des taux d’intérêt élevés, de l’inflation et des banques très prudentes. Tout ça pendant que nos voisins du Sud ont réussi à garder une économie croissante, et ce, malgré les prédictions alarmantes de certains économistes. Il n’en reste pas moins qu’au Canada, cela a poussé de nombreuses organisations à mener des restructurations et à faire des mises à pied importantes.   

Pour 2024, les experts et les économistes semblent très partagés, voire polarisés. Le terme qui revient le plus souvent dans les écrits, c’est l’optimisme prudent (cautious optimism). Cet oxymore reflète bien la situation selon laquelle d’un côté, le célèbre Harry Dent prédit un cataclysme mondial, le plus grand krach depuis 1929. Alors que de l’autre, certains experts des grandes banques du pays prédisent une diminution des taux d’intérêt à partir de l’été et un retour à une économie plus stable à partir de la deuxième moitié de l’année 2024.  

Par ailleurs, plusieurs prédisent une augmentation de 8 % des investissements en technologie pour les budgets de 2024 alors qu’en 2023 celle-ci se chiffrait à seulement 5 %. Cela est un signe d’une plus grande confiance des organisations face à l’économie.  

Le contexte législatif 

Le contexte législatif impactera lui aussi grandement les décisions d’investissement en 2024. Au Québec, nous n’avons qu’à penser notamment à la loi 25 qui oblige dorénavant presque toutes les organisations avec une présence numérique à réviser leur approche.   

En Europe, le parquet belge a élaboré en 2023 un cadre réglementaire assez strict sur l’intelligence artificielle (IA), une première mondiale. Comme l’Union européenne est souvent à l’avant-garde, cela donne un indice de ce qui pourrait être travaillé dans d’autres pays comme le Canada, cette année. Les États-Unis se sont, quant à eux, contentés d’un décret présidentiel sur l’IA pour dicter les changements législatifs attendus dans les différentes branches du gouvernement. Les experts s’entendent toutefois pour dire que les répercussions de ces décisions législatives ne se feront pas sentir dans l’immédiat. 

 Toujours aux États-Unis, plusieurs états et bureaux fédéraux ont déposé des poursuites importantes contre les géants du numérique, notamment Meta et Amazon. Cela peut indiquer que ceux-ci seront obligés de revoir certaines pratiques d’affaires, ce qui aura assurément un impact auprès des annonceurs et des détaillants numériques au courant de l’année ou en 2025.  

Les grandes priorités en 2024 

Au Canada, les dirigeants d’entreprises questionnés ont présenté les trois tendances escomptées pour leurs investissements en TI : 

  1. Exceller dans l’expérience client  
  2. Augmenter l’efficacité du capital humain 
  3. Minimiser les risques liés aux fraudes numériques 

Fait intéressant : aucun de ces points ne figurait dans la liste de priorités il y a un an. À ce moment-là, l’accent était davantage mis sur la croissance.  

L’excellence en expérience client est une priorité majeure. Dans un marché instable et compétitif, investir dans les relations avec les clients existants permet de maintenir leur fidélité, protégeant ainsi les acquis et les revenus actuels de l’organisation. 

Ensuite, il est question d’augmenter l’efficacité des employés de l’organisation. Malgré l’immigration, particulièrement en croissance au Canada, et les mises à pied importantes de certaines organisations, on prédit un déséquilibre de la main-d’œuvre au pays jusqu’à 2040. Dans ce contexte, si pour chaque dix postes nécessaires au fonctionnement d’une organisation, seulement huit peuvent être comblés, l’investissement en TI devrait servir à diminuer le nombre de postes nécessaires, sans forcément augmenter la capacité d’embauche. En d’autres mots, il faut apprendre à faire plus avec moins, grâce à une meilleure intégration des technologies. 

Finalement, un autre sujet dont on n’a pas fini d’entendre parler : la gestion des risques et de la conformité. D’un côté, les cadres législatifs changent au pays et chez nos partenaires ce qui nécessite une adaptation technologique importante alors que de l’autre, les cyberattaques réussies contre les entreprises canadiennes ne cessent d’augmenter depuis 2021. Résultat ?  Des organisations entières se sont retrouvées K.O. au cours des derniers mois.  

Les compagnies d’assurances jouent aussi un rôle clé dans cette équation qui malmène nos organisations. Ces dernières sont de plus en plus réticentes à offrir des services à des coûts raisonnables auprès des entreprises mal outillées en ce qui a trait à la cybersécurité ou à celles qui ne répondent pas aux standards minimaux requis par la loi en matière de gestion des renseignements personnels. 

Les investissements en 2024 

Les investissements prévus en TI sont étroitement liés et cohérents avec les priorités des organisations.  

  1. La cybersécurité  
  2. L’intelligence d’affaires  
  3. La modernisation des applications  

Les tactiques des cybercriminels sont de plus en plus sophistiquées. Tantôt, parce que ces groupes semblent s’organiser se mieux en mieux, tantôt parce que ceux-ci peuvent tirer profit de l’intelligence artificielle pour peaufiner leurs ruses. Dans ce contexte, les investissements en cybersécurité et en sécurité de l’information deviennent pratiquement un mal nécessaire pour les organisations, surtout celles qui ont tardé à moderniser leurs applications et systèmes d’affaires. En effet, les entreprises entretenant d’anciens systèmes dit legacy sont d’autant plus à risque. 

Ensuite, les organisations prévoient investir davantage en intelligence d’affaires et dans leur capacité d’analyse, notamment en accélérant la migration de leurs données vers les plateformes infonuagiques. Cela va de pair avec la priorité sur l’expérience client : plus les données provenant de nos différentes équipes peuvent être digérées et transformées en information pertinente, et ce, en temps réel, plus il est possible d’être proactif face aux enjeux et besoins de nos clients.  

Finalement, la modernisation d’applications d’affaires, un terme que l’on a vu apparaître dans les priorités de gestion pour la première fois en 2022, continue à faire partie des cibles d’investissement cette année. En effet, bon nombre d’organisations qui avaient atteint leur limite d’optimisation et de productivité avec leurs applications de gestion, souvent vieilles de 15 à 20 ans, ont entamé une transition vers de nouvelles applications. Celles-ci sont davantage tournées vers l’infonuagique et elles sont fournies par des entreprises spécialisées (Microsoft, SAP, Oracle, Salesforces et etc) plutôt que développées de manière personnalisée (custom).   

Les prédictions 

Lorsqu’il est question de prédire les technologies qui auront le plus grand impact d’ici 2026, il n’y a pas de grande surprise : l’IA menée par l’IA générative occupe le premier rang. Cela dit, il est évident que la vaste majorité des personnes sondées sont toujours dans l’exploration des réels cas d’utilisation pour cette technologie, ce qui explique pourquoi ce n’est pas une priorité ni une avenue importante d’investissement en 2024.  

Les plateformes low-code et no-code, c’est-à-dire qui ne nécessitent pas ou peu d’expertise en programmation informatique, figurent aussi parmi les technologies qui auront un grand impact d’ici 2026. Cela démontre que ces plateformes sont de plus en plus performantes et flexibles, menant vers un changement de paradigme important. Une organisation peut dorénavant réduire drastiquement le temps d’implantation de ces technologies et ainsi bénéficier plus rapidement de ses investissements en TI.  

Sources 

Arnaud Montpetit