Stratégie organique

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Cet article est le troisième d’une série de six articles portant sur la stratégie. Pour lire les deux premiers articles, c’est ici et ici

Petit quiz : pour chaque énoncé ci-dessous, est-ce une tactique ou bien une stratégie ?

  • Planifier une campagne marketing sur les médias sociaux
  • Vendre en ligne
  • S’ouvrir sur le marché américain
  • Développer un produit pour une nouvelle clientèle cible
  • Effectuer une ronde de financement
  • Déposer une demande de brevet
  • Embaucher un nouveau vice-président pour gérer la transformation numérique

Dans mon article précédent, je vous ai présenté ce petit quiz que j’aime lancer en guise de préambule aux formations sur la stratégie que j’anime. L’exercice illustre deux enjeux entourant la stratégie, soit la clarté de sa définition et sa proximité un peu floue avec la notion de tactique. Et, face à ce flou, un groupe finit généralement par s’entendre sur une réponse : « ça dépend ».

En effet, ça dépend. De quoi, au juste ?

De plusieurs facteurs : le contexte dans lequel l’organisation évolue, votre rôle, votre pouvoir décisionnel et votre personnalité.

Et est-ce vraiment pertinent pour vous de savoir distinguer une stratégie d’une tactique?

Les distinguer ne fera probablement pas de vous un stratège plus créatif. Cela dit, comprendre pourquoi la confusion existe vous aidera très certainement à bâtir des stratégies mieux adaptées à votre réalité, et limitera les incompréhensions au sein de votre équipe. Par le fait même, j’espère aussi vous démontrer que la stratégie est possible à tous les niveaux de l’entreprise.

Par définition, une stratégie est un ensemble de tactiques servant à atteindre ses objectifs. Selon où vous êtes dans l’organisation, ce que votre patron interprète comme une tactique est probablement perçu par vous comme une stratégie et celle-ci peut être découpée en un autre lot de tactiques. Et, ainsi de suite.

Ce sont toutes ces déclinaisons et ces perceptions qui rendent la stratégie organique, vivante. Dans certaines organisations, l’ensemble des tactiques initiées par le personnel vont dicter la stratégie globale, dans d’autres, ce sera plutôt l’inverse. Et pour la majorité, c’est un hybride entre les deux.

Pour illustrer ce phénomène, j’utilise l’analogie des poupées russes.

Les poupées russes

Imaginez quelques instants des poupées russes, où chaque poupée en bois, une fois ouverte laisse place à une autre poupée, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on arrive à la plus petite poupée qui elle ne peut être ouverte à son tour. Eh bien, la stratégie en organisation fonctionne de cette façon, avec quatre poupées s’emboîtant l’une dans l’autre. De la plus grande à la plus petite :

  1. La vision
  2. Le modèle d’affaires
  3. Le processus
  4. La composante

Par composante (le quatrième point), j’entends, dans sa forme la plus simple, l’ensemble des éléments nécessaires au fonctionnement de votre organisation, qu’on pense à une machine, un humain, une compétence, une marque de commerce, un brevet, un fonds de roulement, un logiciel, etc. Comme pour nos poupées russes, cette composante est intégrée dans un processus, lequel est intégré à son tour dans un modèle d’affaires, lui-même finalement intégré dans une vision organisationnelle globale. Ils sont tous indissociables l’un de l’autre.

 

Selon votre rôle dans l’organisation, vous vous situez dans une ou l’autre de ces poupées et, par le fait même, vous aurez un certain seuil de « contrôle stratégique ». Si vous êtes à la présidence et faites partie du conseil d’administration, vous êtes cette plus grosse poupée, vous incarnez la vision de l’entreprise. Si vous êtes membre de l’exécutif, soit la couche sous-jacente, vous agissez sur les modèles d’affaires. Si vous avez un poste de direction départementale, vous avez une visibilité sur les processus et procédés de votre département. Et enfin, si vous avez un poste de coordination, vous avez de la visibilité sur les composantes que vous coordonnez.

Et c’est habituellement votre rôle qui détermine ce que vous percevez comme étant une tactique ou une stratégie. À des fins de compréhension, je le présente de façon « bottom down », mais gardez en tête que tout ceci est organique !

Un exemple concret en marketing

Au sein de votre entreprise, votre président annonce lors d’un town hall, sa nouvelle vision stratégique pour assurer la croissance de l’organisation : intégrer le marché américain.

Ce projet mènera, aux yeux du président, à l’élaboration de nombreuses tactiques reliées au modèle d’affaires. Ces mêmes tactiques seront interprétées par votre VP marketing, comme les stratégies qu’il doit lui-même décortiquer en tactiques. Ces dernières affectent les processus. Par exemple, l’ajout d’un segment de client, sera interprété comme une stratégie par la personne en charge des composantes, tel que le coordonnateur aux campagnes numériques. À un certain point, la stratégie globale, qui était d’intégrer le marché américain aboutira à sa tactique la plus simple : soit une campagne de mots-clés de 10 000 $ sur 6 semaines dans la région de New York.

Il aurait été possible de prendre un exemple dans n’importe quel département, que ce soit les RH, les finances, la comptabilité, les opérations. La mécanique est toujours la même.

Si cette tactique, et toutes les tactiques qui en découlent, sont mal réfléchies et exécutées, la stratégie globale ne fonctionnera pas. Ce qui vient renforcer cette idée de stratégie à toutes les « couches » ou paliers de l’organisation.

Stratégie organique

Bref, comme stratège ou aspirant stratège, il est primordial de comprendre où vous vous situez dans ces poupées russes de même que votre portée stratégique. Cela peut :

  • Aider à mieux comprendre votre rôle dans la stratégie globale
  • Cadrer votre terrain de jeu
  • Limiter vos frustrations ou celle de votre équipe
  • Vous pousser à stratégiquement demander pour plus de visibilité
  • Comprendre l’influence que vous pouvez exercer sur la stratégie globale

Le dernier point est le plus important, vous avez probablement plus d’influence que vous ne pensez, car la stratégie est organique. Elle n’est pas toujours « bottom down », parfois ce sont vos tactiques qui vont influencer la stratégie globale. Ce qui sera le sujet du projet article, sur la démocratisation de la stratégie !

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Les réponses à mon quiz 

À la lumière de ce que vous venez de lire, mon quiz devrait être plus facile :

  • Planifier une campagne marketing sur les médias sociaux (stratégie de processus)
  • Vendre en ligne (stratégie de modèle d’affaires)
  • S’ouvrir sur le marché américain (stratégie de vision)
  • Développer un produit pour une nouvelle clientèle cible (stratégie de modèle d’affaires)
  • Effectuer une ronde de financement (stratégie de processus)
  • Déposer une demande de brevet (stratégie de composante)
  • Embaucher un nouveau vice-président pour gérer la transformation numérique (stratégie de modèle d’affaires)

Crédit photo: Unsplash

Arnaud Montpetit
Vice-Président, Stratégie