B2B2C

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Il y a quelques semaines, je donnais une conférence sur les modèles d’affaires à des manufacturiers du secteur agroalimentaire. Parmi les sujets abordés, je souhaitais démontrer les concepts-clés autour d’une question en apparence simple :

« Comme manufacturier, qui est votre client : le distributeur-détaillant ou le consommateur final ? »

Bien entendu, cette question se pose en agroalimentaire, mais elle se pose aussi pour l’ensemble des manufacturiers de Customer Packaged Goods (CPG) qui vendent leurs produits à un consommateur par l’entremise d’un détaillant, d’une grande chaîne, d’un magasin spécialisé ou d’un commerce de proximité, et ce, physiquement ou sur le Web.

Une personne assistant à la conférence a fini par lancer : « Nous sommes dans un modèle B2B2C ». Ce terme valise se situe entre B2B, Business to Business, et B2C, Business to Consumer, stipulant que l’organisation a un intermédiaire au niveau de ses canaux de distribution (l’autre B), mais que son produit sera inévitablement consommé par vous et moi (le C). D’ailleurs, c’est un terme de plus en plus utilisé en marketing et qui semble maintenant généralement accepté.

Bien que ce terme soit une façon en vogue de parler de votre organisation, il ne devrait en aucun cas être utilisé dans le cadre de vos réflexions stratégiques. Le B2B et le B2C sont deux concepts complètement distincts l’un de l’autre qui amènent chacun leur lot de modèles d’affaires potentiels. Mêler les deux peut créer beaucoup de confusion quant aux objectifs et aux tactiques à adopter. Certes, les deux sont vitaux à votre organisation, mais ils doivent absolument être traités séparément.

Beau Croissant inc.

En guise de démonstration, considérons l’entreprise (fictive) Beau Croissant inc. qui vend des croissants hauts de gamme destinés au consommateur final, par le truchement des détaillants alimentaires tels que Métro, IGA et Provigo.

Voici son Business Model Canvas B2B

Voici son Business Model Canvas B2C

La distinction importante qui saute aux yeux est qu’en B2B, les détaillants représentent vos clients « finaux » alors qu’en B2C, ces détaillants servent de canal pour rejoindre votre consommateur final.

Cela dit, ce qui est important est l’impact de cette dynamique dans l’ensemble des activités de l’entreprise, c’est-à-dire dans les autres blocs du BMC.

D’emblée, la proposition de valeur n’est pas du tout la même, cela va de soi. Une épicerie comme client n’a pas du tout les mêmes enjeux ou ne recherche pas les mêmes gains que le consommateur final. Dans le cas de Beau Croissant inc., le client B2C recherche de la qualité, de la fraîcheur et potentiellement un attachement à la marque, un accès immédiat et convivial à votre produit. À toutes fins pratiques, l’épicerie (le client B2B) se moque de ces points, elle recherche plutôt un prix, une vélocité et une réduction des risques. Elle souhaite que vous lui fournissiez une solution performante pour un planogramme donné. Si vous ne répondez pas à ces critères, même si certains consommateurs aiment vos produits, vous ne serez plus sur les tablettes.

Ensuite, au niveau des canaux de distribution et de promotion, en B2B, vous vous devez d’ observer de plus près la logistique de livraison et votre force de vente sur le terrain, alors qu’en B2C, vous devez vous préoccuper davantage de votre emballage, votre site Web, vos médias sociaux et de votre présence sur les canaux publicitaires traditionnels tels la télévision. Même chose pour les relations clients : l’épicier accorde peu ou pas d’importance à votre infolettre, il préfère que vous achetiez des espaces publicitaires dans son magasin ou circulaire !

Finalement, des distinctions sont également importantes sur le plan des expertises internes. Votre expert ou experte en marketing, qui a, par exemple, une longue feuille de route en agence publicitaire, est fort probablement bien outillé pour positionner votre marque auprès des clients B2C, mais n’a pas ce qu’il faut pour entretenir des relations avec des acheteurs. L’inverse est aussi vrai.

Bref, si vous mêlez ces deux cibles dans un même cadre stratégique, surtout si vous êtes une PME, vous aurez beaucoup de difficulté à clarifier vos objectifs et déterminer vos tactiques, et par le fait même, à les communiquer correctement à vos équipes. Cela laissera de la place à l’interprétation et diluera vos efforts. Vous gagnez à scinder votre planification stratégique en deux, à réunir les bons intervenants avec les bonnes expertises autour de la table et à définir des objectifs distincts par cible. Ensuite, si tel est votre souhait, cette distinction entre votre B2C et B2B pourra être colligée afin de créer un plan commun nommé « B2B2C ».

À propos du BMC…

Ceux qui utilisent le Business Model Canvas (BMC) comme outil de travail ont souvent la mauvaise habitude de vouloir tout inclure dans un seul canevas. C’est une erreur. Il n’est pas interdit de développer plusieurs BMC qui se rattachent à votre vision, selon la segmentation de vos clients ou les unités d’affaires, vos marques, vos canaux de distribution… Bref, il y a plusieurs façons d’envisager et d’exploiter ces modèles. Par expérience, la situation est différente dans chaque organisation, alors inutile de tenter de copier le voisin. Faites-vous confiance… ou faites appel à un expert !

Arnaud Montpetit
Vice-Président, Stratégie